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Les data, notre focus Smart City pour Bruxelles

Céline Vanderborght, Smart City Manager de la Région de Bruxelles-Capitale
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Céline Vanderborght

Une quinzaine de personnalités ont été invitées à publier, entre janvier 2018 et juin 2019, une Carte blanche sur le site web du CIRB : l’opportunité, pour chacune d’entre elles, de partager sa vision pour la Région bruxelloise de demain, et d’exprimer ses souhaits pour l’ICT régional.

Depuis 3 ans maintenant, je sensibilise et partage mes connaissances sur la thématique Smart City. J’ai beaucoup présenté la Smart City en parlant des nouvelles technologies et de la gestion de la ville, en énumérant des projets concrets. Je me suis focalisée sur les objectifs de la Smart City, notamment des objectifs de durabilité, bien connus et relativement acceptés. Et pourtant, 3 ans plus tard, je réalise que la Smart City reste une notion encore floue, un peu fourre-tout, comme on me le répète régulièrement. Les citoyens semblent confus, et force est de constater que nos politiciens le sont également sur ce sujet.

Aujourd’hui, je pense que la meilleure manière d’aborder la notion de Smart City est de se focaliser sur le dénominateur commun des projets qui la compose, j’ai nommé la donnée.

Les récentes évolutions technologiques et leurs impacts sur nos modes de vie s’amplifient dans un mouvement perpétuel. Le lancement du premier IPhone en 2008 - une prouesse technologique sans précédent, l’objet connecté par excellence - nous a permis de vivre de manière connectée et plus mobile, laissant dorénavant derrière nous un nombre incalculable de traces numériques. Les réseaux sociaux et la digitalisation des processus engendrent un flux de données impressionnant. Cette augmentation exponentielle du nombre de données, combinée au développement de la capacité des ordinateurs, est ce qu’on appelle le « Big Data » et son pendant, l’intelligence artificielle.

Cette évolution s’apparente à un changement de paradigme, comme l’explique Tony Hey dans son livre The fourth paradigm : Data-intensive scientific discovery. Le Big Data a fait entrer la science dans une nouvelle ère. Le premier paradigme de la science est celui de l’empirisme : on observe le monde et on en tire des conclusions. Le deuxième paradigme est celui des sciences dures : les théories mathématiques et physiques permettent d’expliquer des phénomènes observables. Le troisième paradigme repose sur la modélisation du monde et la puissance de calcul des ordinateurs qui permettent de simuler des expérimentations.
Dans le quatrième paradigme, on ne modélise plus le monde, on le calcule ! On n’utilise plus d’échantillons pour extrapoler des théories, mais bien l’ensemble des individus. On ne prend pas en compte les facteurs explicatifs les plus importants, mais tous les facteurs. Mais surtout : ce sont désormais les machines elles-mêmes qui vont corréler les données entre elles et faire des liens statistiques « spontanés » parmi des milliards de données. Aux humains ensuite d’estimer la justesse des corrélations.

Pour la Smart City, qu’est-ce que cela implique ? Prenons par exemple le parking, une problématique importante dans la gestion de la ville et qui pourrait grandement profiter d’une composante smart.

La première étape du parking intelligent est la digitalisation du processus de paiement pour l’utilisateur (paiement par SMS, entre autres), et celle du contrôle pour les gestionnaires : ceux-ci reçoivent une alerte et ne se déplacent que pour les voitures dont l’infraction est déjà connue et identifiée. Cette deuxième partie peut se faire via des capteurs dans le sol, des caméras dans l’espace public ou encore la fameuse « scan car » qui patrouille les rues et dont la caméra sur le toit récolte et analyse les plaques minéralogiques.

Mais comment obtenir le Graal pour les utilisateurs, à savoir la disponibilité en temps réel des places de parking libres, ainsi que le meilleur itinéraire pour y arriver ? De nombreuses villes et startups se sont cassé les dents sur le sujet car lorsqu’une place se libère, le temps de s’y rendre, elle est déjà prise ! Dans ce cas de figure, le Big Data peut nous aider. Grâce à l’analyse de millions ou de milliards de données (ne soyons pas chiches), en particulier des données historiques (par exemple les données de stationnement de ces 20 dernières années sur tout le territoire) mais également toutes les autres données possibles et imaginables (météo, événements, ou activités sur les réseaux sociaux), les supers ordinateurs vont tirer des corrélations et nous transmettre des prédictions : nous saurons que dans cette rue, à ce moment et dans ces conditions précises, nous aurons 83% de chances de trouver une place, alors dans telle autre rue, nous aurons 29% de chances et que dans une demi-heure, pour la même rue, cette probabilité passera à 48%. Cerise sur le gâteau, il ne faudra pas placer des capteurs dans le sol pour chaque place de parking car l’utilisation de vos données de déplacement (Waze, Google, caméras publiques) nous permettra de savoir où est stationnée votre voiture.

Pour les pouvoirs publics, la récolte, l’analyse et l’utilisation de ces données est une mine d’or pour mener à bien leurs politiques de mobilité : optimisation des places de parking sur base des données d’occupation, modification dynamique des tarifs en fonction de l’offre, prédictions de saturation et  communication aux usagers, par exemple.

Ce qui m’amène doucement mais sûrement à la conclusion de cette Carte blanche. Mon souhait pour la Région de Bruxelles-Capitale est que celle-ci investisse massivement dans le développement de nos infrastructures et de nos compétences digitales, afin de nous rendre capables de tirer profit de ces données. Je plaide pour la mise en place d’un département au sein du CIRB, "Smart City" ou "Big Data" - peu importe le nom - orienté sur la collecte, le tri et l’analyse des données urbaines bruxelloises à l’intention de tous les partenaires publics et privés, et assorti d’un véritable programme Open Data en phase, avec les projets innovants mis en place par l’Europe.
Afin de pouvoir tirer profit de toutes ces données, il faut également s’approprier les bonnes connaissances, et mon deuxième souhait est donc que la Région de Bruxelles-Capitale mette en place un programme ambitieux de formations orienté sur les données, adaptées pour les développeurs, les chercheurs, mais aussi les enfants, les fonctionnaires, les dirigeants de PME et les citoyens.

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